Réponses aux 3 questions

Contribution de Philippe Kergoat

Question 1 : Analyse des récentes élections européennes et législatives, ainsi que la préparation des prochaines échéances électorales en articulant l’action du PCF avec la politique unitaire.

Lors de notre dernière rencontre à la ferme de l’horloge, je vous avais part de mes doutes quant à une liste autonome du PCF aux Européennes. Pour faire quoi de plus que les autres ? Pour porter quoi de différent des autres listes de gauche ? Non pas que nous ne soyons pas porteurs d’idées nouvelles mais que notre audience très faible nous laisse dans un spectre électoral inaudible (Fabien Roussel serait l’homme politique de gauche le plus apprécié mais pas trop dans les urnes). Les 2,5% de Léon DeƯontaine n’ont rien apporté au Parti (sinon des dettes supplémentaires) mais adossés à une liste qui a fait plus de 5% aurait pu rapporter 2 à 3 élu.es supplémentaires.

Je ne peux pas croire que parce nous avons des divergences avec les autres partis de gauche (particulièrement avec LFI alors que nous somme du PGE contrairement aux Verts et au PS-Place Publique) nous nous obstinons à faire seuls quitte à perdre des élu.es à toutes les élections.

La stratégie de 2018, l’effacement du Parti serait dû à son absence aux élections vient se fracasser sur 3 élections (européennes 2019,
présidentielles 2022 et européennes 2024) et en plus cela nous a fragilisé lors des municipales de 2020, des législatives 2022 et 2024.
Factuellement, la stratégie de 2018 c’est la perte de nos 3 député.es européens (Patrick Le Hyaric, Marie-Christine Vergiat et Marie-Pierre Vieu). C’est la perte de villes comme Saint-Denis, Aubervilliers, Valenton, Seclin, Arles, Givors, Champigny (même si ce genre d’élection intègre des considérations locales). Malgré tout, ces pertes n’ont pas été compensées par des retours dans des conseils municipaux grâce à des configurations unitaires (Colombes, Bordeaux, Poitiers, Lyon, Marseille, Romainville, Strasbourg …).
Paradoxalement, le cadre unitaire ou non est variant selon l’élection. Mais notre stratégie autonome nous fragilise dans le cadre d’un accord. Comment peut-on négocier une circonscription gagnable lorsque le rapport de force est de 1 à 10. On m’a opposé le fait qu’en 2022, la LFI s’est réservé les meilleures circonscriptions pour passer de 17 député.es à 75. C’est vrai mais au regard des résultats des présidentielles de 2022 le rapport de force était implacable pour nous. Et la délégation du PCF qui a signé cet accord est connue et plutôt favorable à la ligne 2018 (Igor Zamichiei et Pierre Lacaze).
C’est donc 11 députés en 2017 (avec la concurrence de LFI) pour 64 députés de gauche, 13 en 2022 dans le cadre de la NUPES (149 député.es de gauche), 8 en 2024 et 3 apparenté.es dans le cadre d’un accord NFP (193 député.es
de gauche).
Tous ces chiffres sont certes intéressants à analyser et chaque élection, mérite un regard particulier (configuration, replacement dans l’espace-temps …).

Cependant, le constat est cruel. Le PCF est en déclin depuis le début des années 80, le PCF n’a pas créé un an 0 en 2018, la stratégie adoptée au 38ème Congrès n’est pas plus positive que les précédentes.
Nous sommes en droit de lui contester sa légitimité.

Question 2 : Stratégie de lutte contre l’extrême-droite et les politiques capitalistes qui favorisent sa progression, tout en visant des transformations révolutionnaires.

Le combat contre l’extrême-droite est fondamentalement ancré dans nos valeurs c’est évident. Cependant, sa progression dans les territoires populaires du nord-est de la France, là où nous étions plutôt bien installés par nos réseaux (syndicats, associations, cellules …) doit nous interroger. Nos politiques municipales ne sont plus suffisantes face à la violence de la société. Et ce ne sont pas uniquement des « fâchés pas fachos ». Ils sont certes fâchés et ils ont raison de l’être mais de toute évidence leur adhésion aux idées du RN est également un sentiment assez rance de la désignation de leur problème comme étant l’autre.
Gardons-nous d’avoir des analyses un peu courtes que seule l’activité économique, la revitalisation du territoire seraient propices à regagner ces électeurs qui au mieux s’abstiennent …

La progression du RN est dorénavant sur tout le territoire. Les dernières législatives ont montré que sa progression est continue et surtout très précise : les territoires désindustrialisés, les territoires soumis aux aléas de l’Histoire (sud-est nostalgique d’un empire) et dorénavant la France des périphéries.
Avec horreur et sidération, j’ai découvert les scores du RN dans des circonscriptions rurales (conscriptions que je qualifie de « gilets jaunes »). Le déclassement, le sentiment de vivre dans une France de seconde zone est réelle (fermeture de service public, obligation de prendre sa voiture pour aller travailler, amener les enfants à l’école, aux loisirs …) face à une France plus intégrée, urbaine … Autant les doléances sociales sont compréhensibles (et nous ne sommes plus audibles) autant les rancœurs légitimes ont été prises en compte par le RN.

Comment combattre le RN et les politiques capitalistes alors ?

La présidentielle de 2022 a pu avancer quelques idées progressistes dans lesquelles je me suis retrouvé. Mais malgré une campagne qui a pu chercher un chemin cohérent entre nos objectifs et les mesures pour y arriver, il est évident que nous n’avons pas tapé la cible :

  • Un mix énergétique (nucléaire-renouvelable) reste évidemment un casus belli d’une jeunesse qui considère, à juste de titre, que nous sommes responsables de la destruction de la Planète.
  • Notre conception de la laïcité est vécue comme une stigmatisation de nos compatriotes musulmans.

Les Européennes de 2024 ont été caricaturales dans la mesure où le programme a été ouvertement et pleinement souverainiste : Jamais il n’a été fait écho que nous étions pleinement intégré dans le PGE (LFI en France, Sinn Fein en Irlande, SIMAR en Espagne, PTB en Belgique, CUD au Portugal …). Au contraire, notre slogan « Reprendre la main en France et en Europe » a complétement dévoyée notre campagne.

Campagne nationale ? La gauche unie ? « Le monde du travail ? »

  • Campagne nationale ? : Léon a bien défini les contours de sa campagne. Faire la peau à Macron. Pourquoi pas mais cette élection a
    une autre dimension.
  • Gauche unie ? pas trop dans la mesure où nous partons désunis.
  • Le monde du travail : que signifie ce concept ? Le monde du travail concerne 25 millions sur 65 millions. Le monde du travail exclu de fait celles et ceux qui n’en sont pas (les jeunes et les retraités). Mais ce monde du travail ne répond pas à la réalité d’aujourd’hui :
      • Télétravail,
      • Coworking,
      • Uberisation,
      • Auto-entreprenariat.

Toutes ces situations subies ou choisies sont aussi des réalités professionnelles. Certaines d’entre-elles sont même motivées en contradictions avec nos certitudes de statuts protecteurs. Notre conception de la société rêvée n’existe plus. C’est regrettable certes mais c’est une réalité à prendre en compte.

3 – Campagnes politiques et idéologiques prioritaires pour reconquérir le monde du travail et les catégories populaires ainsi que les réformes organisationnelles nécessaires pour atteindre ces objectifs :

Déjà le titre se trompe de cible (monde du travail et catégories populaires se s’opposent pas au contraire elles sont parfois les mêmes) mais de fait il exclut aussi. Notre projet communiste doit être universel.

Le communisme a été une réalité par un certain nombre de réalisations à l’échelle municipale :

  • Accès aux vacances pour tous,
  • Accès à la culture pour tous,
  • Cotation selon les moyens de chacun,
  • Gratuité des transports collectifs …

Aujourd’hui, ces avancées sont admises par tout le monde y compris lorsqu’on a perdu nos mairies. Cependant, dans la tête de toutes et tous, ces avancées sont devenues des acquis et plus personne ne sait que des combats de maires ont permis ces avancées. Une forme de résilience généralisée gagne aujourd’hui le peuple.

Alors comment reprendre pied dans la société ? Il convient donc de partir de nos besoins et de trouver les réponses.

C’est évident que dans la mesure où nous ne sommes pas en responsabilités nationales, changer la vie nous est difficile. Cependant, et nous avons connu des périodes similaires dans les années 30 et à la Libération, le communisme s’est insufflé dans la vie des gens (à lire le très bon livre de Roger Martelli « L’empreinte communiste. PCF et société française 1920-2010 »). Notre réseau d’élu.es, de militant.es, d’associations est sur le terrain, au plus proche des attentes individuelles et collectives. Repartons du terrain non pas uniquement pour relayer les doléances mais aussi pour proposer et partager des changements nécessaires.
En 2022, le programme de Fabien ROUSSEL, proposait ces changements radicaux. Sauf que, sans partir du besoin local, ces changements n’ont pas trouvé écho. Nous l’avons tous vécu, les portes-à-portes étaient intéressants mais dans nos cités les attentes
sont diƯérentes de nos propositions :

  • La jeunesse attend des mesures radicales en matière de préservation de l’environnement et nous nous proposons le développement du nucléaire,
  • La jeunesse de nos cités s’est détournée du PCF car celui-ci ne représente plus (à tort surement) le défenseur des discriminations faites aux minorités. La présence d’Henri PENA-RUIZ et des anciens comparses de CHEVENEMENT dans le comité de soutien n’a pas facilité notre prise en compte de cette nouvelle donne. La laïcité de 1905 a vécu dans la mesure où la France est désormais multiconfessionnelle (ou même plutôt athée) et quelle doit être vue comme une nouvelle construction républicaine.
  • Depuis 1 an, Gaza est harcelée, bombardée, assiégée, humiliée mais là où nous étions perçus comme le défenseur du peuple palestinien c’est aujourd’hui la France Insoumise qui représente ce rempart laissant même penser que le Parti se positionne du côté de l’oppresseur (Fernand Tuil nous manque définitivement). A de rares exceptions, nous ne nous associons pas aux mobilisations en faveur
    des Palestinien.nes et ça se voit.
  • La présence de Fabien ROUSSEL à la manifestation de l’UNSA Police et du syndicat ALLIANCE au printemps 2021 avec Zemmour, Darmanin et Le Pen a brouillé notre message légitime demandant des moyens supplémentaires à la police républicaine,
  • La présence de Fabien ROUSSEL à la manifestation contre l‘antisémitisme (organisée par la présidente de l’Assemblée Nationale et du président du Sénat) à l’automne 2023 a brouillé notre message légitime de lutte contre toutes les discriminations.
  • Léon DEFFONTAINES qui, dans une interview, laisse penser que MELENCHON serait antisémite.
  • Notre position sur Mayotte qui je le rappelle reste un territoire volé de la décolonisation.

Autant de prises de parole publiques qui, au mieux, nous mettent mal à l’aise mais nous mettent surtout en défaut.

Le Parti revient sur la scène médiatique c’est bien. Pierre LAURENT avait certes l’audience d’une huitre mais son discours avait aussi l’épaisseur qui nous manque aujourd’hui. Roussel, Deffontaines ou encore Brossat ne peuvent pas pour un bon mot dévoyer nos « valeurs »

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