Contribution de Michel Dejeu du 12 novembre 2024
Tenir une conférence nationale était nécessaire. Sans doute aurait-il fallu décider d’un congrès pour aller au fond des choses car, c’est vrai s depuis 7 ans, nos résultats électoraux sont alarmants mais il n’y a pas que cela …
Aux élections européennes, pour la deuxième fois, nous n’avons pas d’élus au parlement de Strasbourg. Aux élections législatives, nous perdons 4 députés et n’en gardons que 8 à l’Assemblée nationale, à la présidentielle nous continuons à stagner autour des 2,5 %, aux municipales de 2020 nous avons perdu 33 villes de plus de mille habitants…
Dans notre département, c’est l’existence de notre parti qui est posée. Si on compare les résultats obtenus par Yann Brossat aux élections européennes de 2019 avec les résultats de Léon Deffontaines aux élections européennes de 2024, on constate qu’il y a eu en Vendée 26 937 suffrages exprimés supplémentaires aux Européennes de juin 2024. 26 937 votants en plus et … seulement 1616 votants supplémentaires gagnés par notre candidat. A Challans, par exemple, alors qu’il y a eu 929 votants de plus en 2024, Léon Deffontaines ne recueille que 54 voix supplémentaires. A Saint Hilaire où 886 votants supplémentaires ont été enregistrés, 5 de plus seulement pour le candidat communiste… Je tiens les autres résultats du nord-ouest Vendée à votre disposition, ils sont comparables. Et pourtant pendant cette campagne électorale on peut dire que nous avons donné !
Balayons l’idée que si nos résultat ne sont pas à la hauteur, c’est la faute des autres, de la FI ou du PS … Ne disons pas non plus que si on a fait si peu, c’est parce que les gens n’ont pas compris … Deux mois plus tard, ces mêmes gens placeront le Nouveau Front Populaire en tête des élections législatives !
Et soyons justes, nos problèmes ne datent pas d’aujourd’hui. Marie George Buffet, en 2007, avait conduit une vaillante campagne, nous avions toutes et tous mouillé la chemise mais elle avait obtenu finalement , elle aussi ,un faible et décevant résultat. Le vote utile pesait déjà … à l’avantage du PS alors comme il se fait sentir aujourd’hui à l’avantage de la FI.
Regardons les choses en face : nous sommes confrontés à un déclin très préoccupant, amorcé il y a plus de 40 ans. Ce déclin s’approfondit incontestablement et la promesse faite au congrès de 2018 de redonner au PCF toute sa place dans le pays est en échec. Nous risquons une marginalisation durable.
Je voudrais proposer ici quelques pistes de réflexion qui, si elles étaient approfondies, pourraient permettre de nous sortir de cette mauvaise passe. Et je voudrais partir de l’idée qu’avec la multiplication des conflits armés sur la planète et la montée de l’extrême droite fascisante partout dans le monde, nous sommes confrontés à une situation nouvelle qui demande pour notre parti, pour toute la gauche, une réflexion nouvelle.
En quoi la situation est-elle nouvelle ?
Les forces capitalistes mondialisées, dans un contexte de concurrence exacerbée entre elles , se mènent une guerre violente pour affirmer leur domination et poursuivre par tous les moyens l’accumulation d’un maximum de profits.
Cette guerre intra capitaliste conduit à la multiplication des conflits armés sur toute la planète. Elle doit nous conduire à traiter dans le parti, beaucoup plus sérieusement que cela a été fait ces dernières années, la question de la paix. Le Parti Communiste Français doit retrouver dans ses valeurs une véritable culture de Paix. La Fête de l’Humanité, la présence d’Angela Davis au Plessis Pâté, ont montré l’écho formidable que pouvaient rencontrer des positions combatives sur la paix dans le monde et sur la paix en Palestine.
L’autre caractéristique forte de la situation est que pour préserver et amplifier leurs profits, les puissances capitalistes font désormais le choix de l’extrême droite. C’est ce que vient de se passer aux Etats Unis. Et pour que Donald Trump, le fasciste, soit élu Elon Musk et bien d’autres milliardaires ont cassé leur tirelire et se sont mouillés jusqu’au cou. Marine Le Pen et Jordan Bardella peuvent se frotter les mains : « L’internationale brune a maintenant son siège à la Maison Blanche » constate Sébastien Crépel dans l’Humanité du 7 novembre.
Aujourd’hui entre la droite et l’extrème droite, les digues sont définitivement rompues pour mieux soumettre les peuples qui expriment de plus en plus fort et de plus en plus souvent leurs inquiétudes, leurs mécontentements et leurs colères.
C’est ainsi qu’ après le 7 juillet on a vu Emmanuel Macron refuser de tenir compte du résultat des urnes, nommer un premier ministre issu d’un groupe politique qui n’ a recueilli que 6 % des voix aux élections législatives et accepter , pour garder les rênes du pouvoir, de mettre le gouvernement Barnier sous la tutelle du Rassemblement National. La séquence politique que nous avons vécue depuis la dissolution prouve, s’il en était besoin, combien il est urgent d’en finir avec la Vème République et impératif de remettre la VIème République en tête de nos propositions. La démocratie c’est la condition sine qua non pour dépasser le capitalisme …
Aucun projet alternatif crédible n’ émerge au sein des forces de gauche. Cela facilite grandement les affaires de celles et ceux qui nous gouvernent. Ils mènent ainsi plus facilement une véritable guerre d’idées qui vise à rendre indépassable le capitalisme aux yeux même de ses victimes. Le capitalisme, disent-ils, il faut s’en accommoder car rien d’autre ne peut exister
Il faut le reconnaitre : la situation est difficile et compliqué et pourtant on peut encore mettre le pied dans la porte avant de le leur mettre dans le nez !
Et ce sera la deuxième réflexion que je voudrais vous soumettre :
la situation est difficile mais elle n’est pas verrouillée
Il ne s’agit évidemment pas ici de nier le poids électoral de l’extrême droite, sa progression partout dans le monde, l’ampleur et les résultats de la bataille des idées menée dans des médias par les milliardaires qui les possèdent, je ne sous-estime pas le poids des idées de haine, de rejet de l’autre, de repli sur soi … mais je constate que, dans sa majorité, la société française continue à aspirer à de profonds changements. Cette forte volonté de changement s’exprime dans des mouvements comme celui qui a eu lieu à propos de la retraite, dans les manifestations concernant la protection de la planète, dans la forte demande d’avancées concernant l’égalité femme/homme, dans les luttes contre le racisme et les discriminations où les jeunes sont particulièrement mobilisés …
Des points d’appui existent donc dont nous pouvons profiter. C’est d’ailleurs, une des leçons à tirer de ce qui s’est passé après que Macron a dissout l’Assemblée nationale. La large mobilisation des femmes et des hommes de progrès a permis la création du Nouveau Front Populaire, qui, porteur d’un programme de progrès social et écologique clair, est arrivé en tête des élections législatives. Je note que cette victoire a été obtenue grâce une forte participation électorale ce qui contredit l’idée trop répandue que les Français se désintéressent de la politique.
Le travail des parlementaires du Nouveau Front Populaire est pour nous un point d’appui non négligeable. D’importantes commissions sont détenues par le NFP, il a la majorité au bureau de l’Assemblée nationale . Cela permet des ouvertures dans l’organisation des débats au sein de l’hémicycle. C’est ainsi, que récemment, sur proposition des députés communistes, a été gagné le remboursement intégral de toutes les dépenses de santé liées au cancer du sein.
Persiste, en profondeur dans tout le pays, un attachement fort à de grandes conquêtes sociales, aux valeurs d’égalité, de justice et de liberté. En témoigne, par exemple, la foule d’une jeunesse très loin de nos rangs qui a envahi la Fête de l’Humanité pour assister à ses débats politiques.
Nous devrions nous appuyer davantage sur les forces de résistance à la montée des extrêmes droites qui s’expriment dans la jeunesse, dans les forces sociales et syndicales , dans le monde intellectuel et culturel, parmi les élus locaux et les réseaux associatifs solidaires. J’ai souvent l’impression que nous vivons en quelque sorte à côté d’immenses forces disponibles sans entrer véritablement en dialogue avec elles.
Ma troisième réflexion pour préparer la conférence nationale concernera la question du rassemblement :
La demande de voir les 4 principales formations de la gauche se rassembler est très forte chez tous les progressistes. C’est même aujourd’hui une question centrale alors que la dissolution a ouvert une période d’instabilité, que la nomination du gouvernement Barnier n’a pas refermée. Nous savons désormais que le calendrier politique peut se précipiter à tout moment. Il y a donc urgence à se demander comment les communistes peuvent agir pour être utiles au sein de ce rassemblement savoir s’il est possible ou non de faire grandir le Nouveau Front Populaire et le rendre de nouveau victorieux demain. La question ne peut être évitée alors que plus de 5000 élus communistes et apparentés siègent dans différents niveaux de collectivités territoriales, que plus de 600 maires communistes dirigent des municipalités d’union et que les élections municipales ont lieu demain.
Une alliance des quatre grandes formations de la gauche garde de bonnes chances de l’emporter en cas d’élections législatives anticipées comme pour l’’élection présidentielle de 2027. Pourquoi dans ces conditions ne pas préparer, au sein du Nouveau Front Populaire la désignation d’une candidature commune à l’ élection présidentielle ? La situation est trop périlleuse, notamment avec le danger d’extrême-droite pour tergiverser et effectuer de mauvais petits calculs pour 2027. Prenons de la hauteur ! C’est maintenant qu’il faut faire bouger les lignes à gauche sur cette question. Toute autre situation qu’une candidature commune ferait peser une lourde hypothèque sur l’avenir de notre pays et serait condamnée par le peuple de gauche. Le PS et Les Verts portent déjà ce projet. Qu’attendons-nous pour être les meilleurs défenseurs d’une candidature commune qui ne soit pas celle de Mélenchon mais qui incarne véritablement le Nouveau Front Populaire dans son programme et sa pluralité ? Ne faut-il pas poursuivre pour 2027 le travail engagé quand il a s’agit de trouver une locataire à Matignon avec Lucie Castet ?
Enfin, dernière question : peut-on avoir une conférence nationale crédible le 14 décembre sans qu’il y soit question du communisme ?
La conférence nationale devrait, pour commencer, se pencher sur l’’ état réel de notre Parti aujourd’hui. Une note préparatoire de l’exécutif national donne des éléments chiffrés concernant notre organisation. Notre parti comptait 65 752 membres dont 37 253 adhérents-cotisants au 31 décembre 2023. Lors de la dernière consultation qui a eu lieu en mars 2024, pour valider la liste des élections européennes, le nombre d’inscrits votants-cotisants était de 40 271.
L’âge médian des adhérents s’établit à 64 ans. Autrement dit la moitié des membres du Parti ont plus de 64 ans et sont donc retraités, l’autre moitié a moins de 64 ans.
En moyenne, ces dernières années, le PCF réalise 3 000 adhésions par an dont un tiers à la Fête de l’Humanité ( autour de 800 cette année).
Il y a 27 femmes secrétaires départementales et 105 hommes. Cela fait 132. 36 fédérations fonctionnent en ayant à leur tête un duo comme « secrétaire départemental » soit plus du tiers des fédérations …
Parlons maintenant du communisme … Reconnaissons- le, le communisme, est une question que nous n’abordons pas souvent lors de nos prises de paroles publiques. Nous ne le faisons pas souvent, Fabien Roussel non plus. La plus part du temps , nous limitons nos propos à des revendications très justes mais qui n’ouvrent pas de perspectives alors que la gravité de la situation nationale et internationale, pose, sans délai, la question de la sortie du capitalisme, la question d’une société post capitaliste que nous appelons, nous, le communisme.
Le communisme a longtemps incarné cet espoir d’un autre monde possible qui fait que les humains se lèvent pour le construire. Il a su mobiliser quantité d’énergies et d’intelligences. Qu’en est-il aujourd’hui ? Il y a du respect pour nous. Nous savons provoquer parfois l’intérêt. L’utilité et la portée émancipatrice de nos valeurs et de notre action sont souvent reconnues. Mais, trop souvent, on sent bien que pour nos interlocuteurs , l’idéal communiste semble « has-been », il semble appartenir à l’histoire, il responsable de progrès certes mais aussi de terribles secousses… Alors, avec ce fardeau sur les épaules ,nous avons du mal à définir, avec les femmes et les hommes de progrès, les contours et les voies d’une espérance communiste de notre temps.
Pourtant, montrer que notre projet communiste d’aujourd’hui propose des solutions crédibles et concrètes pour avancer ici et maintenant lui redonne sa vraie valeur.
Rappeler, par exemple, que les conquis politiques et sociaux de la Libération comme le droit de vote des femmes, comme la sécurité sociale , comme le statut de la fonction publique … sont des conquis communistes de portée révolutionnaire. Montrer combien est révélateur le fait que c’est sur ces conquis que la bourgeoise est aujourd’hui la plus acharnée, cela rend notre discours porteur et crédible. Bernard Friot et Bernard Vasseur dans leur livre récent « Le Communisme qui vient» montrent ainsi combien la bourgeoise craint, je cite, ce « communisme déjà là, construit dans le capitalisme et qui le combat radicalement ».
Quand nous refusons la vente du Doliprane à un fonds de pension américain et que nous demandons la nationalisation de Sanofi, nous pouvons pousser un débat national sur le fait que les médicaments ne sont pas des marchandises comme les autres mais un bien commun indispensable à la santé de tous dont nous devons pouvoir maitriser la production et la distribution. Gagner sur la question, d’un pôle public des médicaments c’est montrer que le chemin existe pour faire autrement.
2024 sera l’année la plus chaude depuis que les statistiques météo existent. Sur les douze derniers mois la hausse de la température mondiale est supérieure au 1,5° jugés dangereux par de nombreux scientifiques Ces + 1,5° ne devaient être atteints qu’à la fin de la décennie. On voit bien malgré les mesures prises pour freiner le réchauffement, que les inondations catastrophiques, les incendies géants, les sécheresses et les ouragans se multiplient… Mais quand les gens se posent la question de la fin du mois, ils ne se posent pas la question de la fin du monde ! se pose Discutons avec eux qu’il y a, sur la question du réchauffement climatique, une contradiction fondamentale entre ce que le capitalisme veut faire et ce que nous devons faire. Et qu’on ne peut pas continuer ainsi. Si nous voulons nous en tirer pendant qu’il est encore temps , il faut impérativement sortir du capitalisme et construire une autre société qui ait pour objectif de se préoccuper de « l’ humain d’abord ». Et c’est cette société « verte – rouge » que nous appelons communiste.
Le communisme que nous revendiquons, ces « Jours Heureux » dont nous parlons ne sont donc pas un rêve lointain, un idéal inaccessible mais une visée concrète, un chemin à parcourir, un chemin parsemé de luttes sociales, de luttes politiques et idéologiques qui, quelles que soient les difficultés rencontrées, doivent finir par être gagnantes .
Comme le rappelait Fabien Gay, lors du discours inaugural de la Fête de l’Humanité, nous avons un but et nous avons un chemin : « Ce but, ce chemin est une construction vivante. Et pour notre part, nous le nommons le communisme et nous pensons que son temps est venu ». Jean Louis Le Moing, dans sa contribution à la conférence nationale, écrit : « Le communisme est une visée d’une haute ambition pour l’Humanité, c’est un projet universaliste et c’est tout autant un chemin à emprunter sans tarder, même s’il est escarpé. »
Aucun effacement donc, dans ce que je propose mais au contraire un nouveau déploiement de la pensée et de l’action communistes sur le projet révolutionnaire et sur l’action unitaire. Nous ne devons plus séparer ces deux questions mais les considérer comme les deux faces d’une même pièce. C’est à cette condition que notre formation ouvrira une page nouvelle de son propre avenir et de l’avenir du pays.