Contribution de Dominique Henrot
Le choix stratégique de présenter un candidat du parti à l’élection présidentielle visait, parait-il, à nous sortir de l’invisibilité. Le résultat de l’élection a montré que ce n’était pas le bon choix, puisque cela n’a en aucune manière amélioré notre score électoral. Malgré les opinions favorables recueillies par Fabien Roussel, cela ne s’est pas transformé en voix lors de l’élection. De plus, cela a entrainé une haine qui dure des mélenchonistes intégristes qui la déversent encore en permanence sur les réseaux sociaux. Il faut dire que, depuis, Fabien Roussel ne fait rien pour éviter cela. Encore récemment l’interview dans le Parisien lui permet de donner des bâtons pour « nous » faire battre. Il n’y en a pas que pour LFI : la fédération de chasseurs communistes est aussi une « punch line » dont notre Secrétaire National aurait pu se passer. Fabien Roussel tente d’argumenter en disant que les chasseurs sont utiles car ils « régulent » les populations de sangliers. Certes, mais quand ils font des lâchers de faisans une semaine avant l’ouverture ou quand ils pratiquent des chasses particulièrement cruelles, comme la chasse à la glue, ou à l’encontre d’espèces en voie de disparition ; ils régulent quoi ? On me répondra que la chasse fait partie de notre culture populaire. La corrida aussi ? Et la lapidation en Afghanistan aussi, puisque nous sommes dans le respect des cultures populaires. Que reste -il de l’humain dans cela ? Punch line populiste plutôt que populaire. Laissons le populisme à ceux qui en font leur fond de commerce et soyons sérieux. Allons plutôt chercher des voix, des soutiens du côté des abstentionnistes de ceux qui ne croient plus à la politique, à la démocratie, au pouvoir du vote. Les chasseurs sont majoritairement des « clients » de la droite et la fédération de chasseurs communistes va certainement faire pschitt ; mais les médias auront parlé du PCF, hélas pour s’en moquer.
Je reviens à l’élection présidentielle.
Depuis 1958 nous disons que c’est une élection piège pour le PCF, mais cela ne nous empêche pas de candidater une nouvelle fois (pour se compter ?) : « Errare humanum est, perseverare diabolicum » comme disait les anciens. Beaucoup de nos adhérents et de sympathisants ont douté de la pertinence politique d’une telle candidature, estimant que tout n’avait pas été fait pour l’union et finalement ont voté plus par discipline que par conviction. Il n’est que de se souvenir de la qualité de l’engagement militant dans cette campagne. De plus, se glissant dans le costume de présidentiable, le candidat n’a cessé de parler à la première personne, effaçant en cela ce qui aurait pu être l’originalité d’une candidature PCF. En outre, chacun a bien vu que l’impasse avait été totalement faite sur un éventuel contrat législatif qui aurait pu suivre. Nous sommes restés, comme les autres, à se regarder le nombril. Evidemment les législatives qui ont suivi ne se sont pas présentées sous les meilleurs auspices pour notre parti avec un tel rapport de force défavorable au sein de la gauche, même si le PS et les Verts n’étaient pas en meilleure posture. Mais, là, au lieu de faire front commun pour résister à l’attitude hégémonique de LFI chacun a voulu tirer la couverture à soi et conserver son pré carré d’élus, voire piquer des sièges aux partenaires, alors qu’il serait plus judicieux de chercher d’en augmenter le nombre global en proposant les candidatures les plus pertinentes politiquement pour y parvenir. De plus, personne n’était dupe de la validité et la pérennité de cet accord NUPES réalisé en quelques heures après des mois de haine et de coups bas.
Le coup de poker de Macron.
Bien entendu, personne ne pouvait prévoir la dissolution Macron. Les composantes de la NUPES ont préféré, entre les législatives de 2022 et la dissolution, laisser sombrer l’union pour essayer d’exister chacune de son côté quand il aurait fallu la faire vivre à tous les niveaux. Il n’y a pas d’alternative pour parvenir à une majorité parlementaire voire au siège de président. Les gens attendaient cela de nous et nous ne l’avons pas fait. Pourtant le mouvement social de 2023, avec une intersyndicale unitaire et puissante, aurait pu déboucher sur une perspective politique forte.
La course à « l’échalote ».
Sont venues les européennes pour lesquelles chacun a encore voulu jouer son propre registre et a obtenu les résultats catastrophiques connus, pour une élection dont les français comme les composantes de la gauche ont mal mesuré les enjeux. Bien entendu, nous avons des divergences et elles ne sont pas minces, mais était-ce utile de brader les valeurs que nous avons en commun, pour ne retenir que les divergences quand ces valeurs perdent chaque jour un peu plus de terrain, en France et partout en Europe. Résultat le scrutin se transforme en vote anti Macron et c’est l’extrême droite anti-européenne qui en sort gagnante, même dans la circonscription de FR où le total RN-Reconquête totalise plus de 50% quand l’ensemble de la gauche ne dépasse pas les 30% ; ce qui bat en brèche l’argumentation de Fabien Roussel sur son échec aux législatives suivantes qui serait la conséquence de sa candidature sous le sigle NFP. Certes, la poussée de l’extrême droite se produit dans beaucoup d’autres pays européens, mais en France nous avions une configuration à gauche qui aurait pu faire que les choses soient différentes. Là-dessus, Macron dissout et faute de l’avoir suffisamment travaillé en amont le NFP est créé sur les cendres encore chaudes de la NUPES. Le « je t’aime moi non plus » se prolonge. Le résultat électoral est globalement meilleur qu’en 2022 mais pas à la hauteur des attentes. Nous perdons 4 députés après que LFI continue de nous « punir » et que pour les autres c’est une fois encore chacun pour soi. Même notre Secrétaire National perd son siège au profit du RN. C’est la faute à Mélenchon ! Quel aveuglement !
Et maintenant qu’allons-nous faire ?
Maintenant, on va vers l’union aux municipales et en même temps FR dans une interview au Parisien ne croit pas trop au NFP, quand il faut dire tout le contraire. Le PCF est le seul parti de cette union à pouvoir la faire vivre partout en France, le seul qui puisse organiser un rassemblement qui va même au-delà de ses 4 composantes politiques actuelles. Mais attention, pas un rassemblement autour de nous, cela a déjà été fait et soldé par des échecs. Ce qu’on attend de nous c’est un rassemblement large où chacun aura sa place avec son identité, ses différences mais avec un projet anticapitaliste commun. Le mouvement social sur les retraites de 2023 a montré que majoritairement les gens ont conscience que le système capitaliste leur nuit, il ne manque qu’à leur proposer une alternative politique crédible à ceux-là. Allons-nous en être capables ? A quoi joue FR avec ses petites phrases qui laissent entendre que nous quitterions peut-être le NFP ? C’est dans le cadre du NFP justement qu’il faut agir pour que la discussion passe de « l’arithmétique » chère à LFI au politique dont nous pouvons être porteur. Envisager une autre voie aujourd’hui est suicidaire pour le Parti. Il n’y a donc pas que Alternative Communiste qui sape notre parti par des propos dangereux repris à l’envie par les médias, nos adversaires mais aussi ceux de nos partenaires qui voudraient nous voir disparaitre. Ne leur laissons pas ce plaisir et soyons porteur du rassemblement, en rendant le NFP POPULAIRE.
Opinion personnelle ou position du PCF ?
J’en viens un instant sur les dernières déclarations publiques de Fabien Roussel. Je crois que le petit secrétaire de la section de Cannes que je suis, peut penser, dire et écrire des âneries, c’est sans trop de conséquences. Quoi que ! Cependant, je suis très attentif à mon expression publique afin qu’elle ne porte pas préjudice au parti que je représente. Mais, quoi qu’en pense le Secrétaire National du PCF, c’est le Parti qui s’exprime au travers de son propos ou ses écrits. Il ne peut exprimer une opinion personnelle publiquement, car elle sera considérée comme l’expression du PCF. De ce point de vue, le Secrétaire National du PCF n’est pas un militant comme les autres, il a une responsabilité particulière.
On continue ou bien on réfléchit ?
Dans le milieu sportif une telle série d’échecs consécutifs conduirait au remplacement de l’entraineur. Ce n’est pas ici ce que je demande, mais à tout le moins, avec un peu de lucidité, une remise en question de la stratégie adoptée. Cependant, les textes qui nous sont adressés par la direction de notre parti prétendent, à mots couverts mais aussi parfois directement, qu’elle est la bonne et qu’il faut continuer dans cette voie. De mon point de vue si nous faisons cela nous allons droit dans le mur et passons le pouvoir au RN. Il faut reconnaitre que nous nous sommes trompés et proposer autre chose. D’ici 10 ans la plupart des camarades de ma section seront morts et les quelques-uns qui resteront seront bien incapables de militer comme nous pouvions le faire il y a peu. Depuis 10 ans nous n’avons fait que 3 nouvelles adhésions de « jeunes » (entre 30 et 45 ans), dont la vie professionnelle ou/et personnelle ne leur permet pas de militer ou de prendre des responsabilités. J’attends depuis 10 ans, vainement, la relève. L’an prochain mes camarades et nos partenaires du NFP vont encore me demander (à 75 ans) de conduire la liste de gauche aux municipales de 2026 contre David Lisnard. Si avec un peu de bonheur nous obtenons entre 1 et 3 élus, je serai contraint d’assumer le mandat jusqu’à 81 ans …si je parviens à cet âge. Voilà une perspective enthousiasmante !
Attention danger.
La déliquescence de la vie politique américaine doit aussi nous alerter. On y voit des gens qui sont capables de voter sans état d’âme contre leur propre camp pour faire élire un autocrate fascisant parce que l’autre camp n’a pas pris en compte leurs besoins essentiels et parce que l’autocrate pointe du doigt des boucs émissaires faciles. Attention ! les propos de Kasbarian , ceux de Pécresse, comme ceux de Ciotti ou de Lisnard ne sont pas loin de ceux de Trump et ils ont un écho dans la population. Les exemples sont de plus en plus nombreux : en Inde, en Turquie, en Argentine, en Hongrie et bien d’autres encore. On fait croire aux citoyens que la démocratie n’est pas une bonne chose et qu’il vaut mieux une bonne poigne pour tenir le pays. On leur dit qu’il faut « débureaucratiser » le pays, « sortir de l’étatisme », car les gens aspirent à la « liberté et à la créativité ». Je mets à part la Chine, Corée du Nord et Russie qui ont déjà abandonné la démocratie au profit de la manière forte et pour lesquels un retour en arrière sera difficile.
Les contextes international et national ont beaucoup évolué et nous ne pouvons pas garder la même grille de lecture qu’il y a quelques années en arrière. Un « aggiornamento » est devenu nécessaire plutôt qu’un repli sur soi mortifère.