Notre texte alternatif porte une vision dialectique de la situation mondiale, en particulier française. D’un côté, il retient l’hypothèse du règne sans partage, à terme, du capitalisme, et de la tentation pour les tenants du système d’y parvenir en recourant aux forces ultraréactionnaires et à l’extrême-droite. D’un autre côté, en opposition avec ce tropisme « décivilisateur », notre texte reconnaît les « résistances grandissantes », « le refus des dominations impérialistes, racistes, néocoloniales… ». Il estime que « Tous les systèmes de domination sont questionnés : du profit sur le travail et sur le sens même de l’activité humaine, du système patriarcal sur les femmes… comme l’est l’action humaine sur la nature et l’écosystème ».
Qui l’emportera dans cette course de vitesse engagée entre les tenants du capitalisme et les forces populaires qui, à des degrés divers, structurées ou pas, contestent ce système ?
Ce que souligne notre texte, c’est que, si « des mouvements sociaux…exprimant une forte radicalité et le rejet des systèmes en place », se développent dans le monde, « ils disposent rarement d’un projet politique progressiste ni d’ossatures organisationnelles ». Cela se traduit par l’existence « Des engagements divers et massifs (qui) envahissent le champ de la politique hors des formes traditionnelles ou institutionnelles ». Il en est ainsi des actions pour le climat et la biodiversité animées par une partie de la jeunesse, des luttes féministes, de même que « des luttes nouvelles (qui) se mènent contre le racisme dans les quartiers, contre l’indignité imposée aux migrant·es.. ». De même nature sont les « luttes d’un type nouveau » que mènent « Les travailleuses et travailleurs ubérisé.es », et les « capacités d’action et d’initiative nouvelles de la part d’un nombre grandissant de femmes et d’hommes, de jeunes qui prennent conscience du danger du capitalisme pour le devenir de l’humanité ».
Ces luttes, qualifiées de nouvelles, se déroulent souvent parallèlement aux luttes sociales structurées par les organisations syndicales. Ce déficit de convergence interroge la stratégie de lutte pour le parti communiste.
Selon moi, la grande innovation du texte est de se prononcer sur deux problématiques qui font débat. En premier lieu : « Toutes les dominations s’épaulent les unes les autres dans un système de domination, et que doivent donc s’épauler pareillement toutes les luttes contre les diverses dominations ». C’est la définition de l’intersectionnalité, tel que ce mot apparaît dans le texte. Cette problématique renvoie immédiatement à une autre : « Nous avons eu tendance à prioriser les luttes sociales, voire à minorer certains combats en les renvoyant aux aspirations de couches sociales relativement favorisées des centres villes, ou à les mettre en opposition aux luttes des catégories populaires des banlieues ou des périphéries. »
Les réponses que nous donnons à ces deux problématiques ont des conséquences considérables pour la stratégie des luttes. « Nous devons corriger cette erreur », celle d’avoir tendance à prioriser les luttes sociales, car « Notre responsabilité de communistes est de porter ces urgences, d’être à l’écoute de ce qui bouillonne et émerge de neuf dans la société, d’investir ces mouvements, de contribuer à les rendre plus forts ». Les rendre plus forts avec la conviction que « La solidarité entre toutes les victimes de dominations est en effet susceptible non seulement de créer une dynamique incontrôlable par le système de dominations, mais aussi de déstabiliser les pouvoirs politiques dominants ».
Roger Hillel