Contribution Alain Job – Fédération Yonne
Le discours distillé par la direction les causes de nos mauvais résultats électoraux seraient surtout à rechercher dans des problèmes d’organisation. Le postulat de départ de tout débat ést la justesse des deux derniers congrès dont finalement il s’agirait seulement de réflechir à comment mieux les mettre en œuvre.
Et le corollaire étant que la responsabilité de la Direction, de son Secrétaire national n’est pas un sujet à examiner. Cela traduit la volonté de minimiser la gravité de la situation du Parti. (1)
Mais surtout cela traduit l’incapacité du Parti de s’interroger sur les causes profondes de son déclin qui s’aggrave depuis l’arrivée de Fabien Roussel, mais amorcé depuis les années 70, avec une progression constante qu’aucune période n’est venue inverser.
Malheureusement nous n’innovons pas mais reculons sur certaines de nos propres positions et sommes desormais en retard sur les évolutions idéologiques du mouvement progressiste. (2).
Un exemple éclairant : le public qui est venu écouté Angéla Davis que nous avons invitée à la fête de l’Humanité était très majoritairement un public de jeunes, de très jeunes.
C’est bien que le PCF honore cette grande militante et philosophe mais c’est assez cocasse de le constater alors que Fabien Roussel et la direction du Parti s’opposent frontalement aux avancées théoriques qu’elle propose. Comme d’ailleurs ce fut le cas avec Lucien Sève qui lui aussi a été honoré mais pas entendu comme elle. (3)
Angéla, c’est une des théoricienne marxiste reconnue dans la sphère communiste internationale pour sa contribution au renouvellement de la pensée communiste notamment concernant l’intersectionnalité.
Il nous faut retrouver des outils théoriques collectifs partagés par les militants et les citoyens pour retrouver les chemins du combat idéologique donc des luttes au quotidien, au plus près de tous les travailleurs et des catégories sociales impactées par les évolutions du capitalisme contemporain que ce soit sur l’emploi, les salaires, le sens du travail, le temps libre, les protections sociales, le patriarcat et le féminisme, l’écologie, l’économie de ressources naturelles, le racisme structurel, les services publics de l’éducation, la santé, la culture, la recherche scientifique…toutes ces luttes sont des luttes sociales ; elles sont partie intégrante de la lutte de classe. Cela s’appelle l’intersectionnalité des dominations qui appelle à la transversalité des luttes, travaillée et documentée par les chercheurs en sciences sociales du monde entier et notamment donc par Angela Davis. Cela modifie notre approche de la lutte des classes et devrait modifier notre stratétégie révolutionnaire.
Depuis 40 ans de Congrès en Congrès nous reproduisons les mêmes concepts. Des concepts issus de la matrice marxiste léniniste que nous n’avons jamais totalement abandonnée.
Alors que depuis 40 ans des communistes appellent à la refondation de notre conception du communisme, de notre conception stratégique de la révolution et à l’adaptation du parti à ces deux enjeux.
Nommés refondateurs à partir des années 80, regroupés autour du Printemps du communisme au 38 ème congrès et aujourd’hui dans Alternatives communistes, leurs propositions novatrices mériteraient d’être enfin entendues pour sortir du déclin.
Il est encore possible de remonter la pente à condition de nous atteler à l’immense travail de reconstruction d’une visée communiste révolutionnaire par le travail théorique partagé et les actes clairs d’un militantisme présent sur tous les fronts ouverts de la lutte de classe, par toutes les luttes sociales, y compris celles qui sont taxées artificiellement de sociétales.
Nous parlons du communisme à l’occasion des congrès mais il reste dans les tiroirs une fois le congrès passé On le dit à l’ordre du jour, mais il reste un objectif abstrait, une sorte d’incantation. Nous n’avons pas tranché au dernier congrès concernant l’étape du socialisme qui pourtant repousse à plus tard le communisme.
Si le communisme est à l’ordre du jour, si le communisme est déjà là comme le disent desormais un grand nombre de communistes, théoriciens ou simples militant, travaillons à ce qu’il devienne un objet politique dont tout le monde parle, faisons en objet permanent de débat et de lutte. Mettons le communisme dans notre activité concrète. Sortons le communisme de l’avenir.
Un travail important d’invention d’une nouvelle conception du communisme nous attend.
Construisons un communisme de nouvelle génération. C’est à ces conditions que le communisme peut redevenir la jeunesse du monde et s’adresser à la jeunesse du monde.
Investissons des questions comme le salaire à vie qui rassemble déjà bien au-delà des communistes comme le montre par exemple le réseau salariat d’ailleurs présent dans le sénonais. Soyons pleinement présents dans les mobilisations pour une sécurité sociale de l’alimentation. Une multitude d’expérimentations alternatives au capitalisme se développent dans la société. Le paradoxe étant que ce ne sont pas les communistes du PCF qui portent ces alternatives concrêtes pour faire du communisme au présent.
Voyons toutes celles et tous ceux, souvent plus jeunes, qui sans se référer explicitement au communisme, sont d’ores et déjà en mouvement pour combattre le système capitaliste, ses logiques, ses institutions, son idéologie.
Sur l’écologie, nous sommes carément ailleurs avec le productivisme verts revendiqué par Roussel ou le nucléaire qui nous coupe du mouvement écologiste. Luttons plutôt aux côtés des grandes organisations comme les Amis de la Terre, franchement anticapitaliste, ou encore Greenpeace située elle aussi très à gauche.
Concernant notre conception de la révolution arrêtons de considérer que le changement de société passe prioritairement par l’accès au pouvoir d’état.
Libérerons nous d’une conception de la révolution « par le haut » privilégiant l’occupation de positions institutionnelles et la stratégie électorale. Et donnons la priorité à la conquête de l’hégémonie des classes dominées, permettant d’abolir progressivement et durablement les mécanismes capitalistes d’un nombre croissant de domaines, comme ce fut le cas pour la Sécurité Sociale, le salaire à vie des fonctionnaires ou auparavant la séparation des églises et de l’Etat. Ou comme je le disais plus haut avec le salaire à vie ou la sécurité sociale de l’alimentation.
Si pour battre la droite et l’extrême droite, le rassemblement de toute la gauche est indispensable, que des accords avec les forces sociales-démocrates sont possibles, l’expérience nous a enseigné que la réussite réelle dépendait d’un rapport des forces favorables aux forces antilibérales au sein de la gauche. Travaillons comme les refondateurs le préconisent depuis longtemps à construire un pôle de radicalité suffisemment fort et permanent pour garantir la mise en oeuvre de politiques anticapitalistes.
C’est ce que doit devenir, le Nouveau front populaire. LFI y a évidemment sa place.
L’union des forces de la gauche radicale et écologiste est aujourd’hui la condition de la mise en mouvement du plus grand nombre pour des victoires dans les luttes et aux élections.
Là où les forces du NFP fonctionnent bien ensemble, il faut pérenniser leur activité commune en l’ouvrant à toutes les forces citoyennes. Là où les rapports sont plus tendus, il faut multiplier les occasions de fonctionner ensemble, trouver les initiatives communes. Partout il faut viser la constitution d’un front large.
Un pôle de radicalité serait stérile sans le renforcement du Parti communiste.
En toute logique nous devons déjà travailler à rassembler la famille communiste éparpillée. C’est la raison d’être d’Alternative communiste qui a lancé un appel aux très nombreux camarades qui, démotivé·e·s et parfois désespéré·e·s, ont quitté le Parti dans les années et même les décennies passées, afin de rassembler la force communiste.
Mais la stratégie d’émancipation des travailleurs par eux-mêmes suppose une forme d’organisation nouvelle. Il ne s’agit plus de penser et décider à la place des dominé·e·s, mais de contribuer par tous les moyens possibles à ce qu’elles et ils pensent et décident directement.
Même en abandonnant le « centralisme démocratique », nous n’avons pas vraiment remis en question la forme verticale et monolithique du parti dont nous avions hérité avec les « 21 conditions » imposées par l’Internationale communiste en 1920.
Dès lors, le niveau le plus décisif de l’organisation est « en bas » : la section. C’est là que tout doit se débattre et se décider démocratiquement, jusqu’aux orientations nationales. C’est pourquoi, dans le respect de ces orientations, il faut donner aux sections une place et une autonomie plus importantes.
L’unité du Parti se construit de bas en haut. Les dirigeants doivent laisser la place à des porte-paroles élu.e.s et le cas échéant révocables. Les commissions nationales ne sont pas nommées par la direction mais élues et chargées de préparer et mettre en oeuvre les décisions des communistes.
A tous les niveaux, les décisions doivent appartenir aux femmes et aux hommes engagés dans l’action, y compris – dans les collectifs locaux ou thématiques qui se créent à l’initiative des sections et de communistes – lorsqu’ils et elles ne sont pas adhérent.e.s.
si l’émancipation des travailleurs et travailleuses doit être l’oeuvre des travailleurs et travailleuses elles-mêmes, on ne peut réserver la conduite du mouvement de transformation sociale aux seul·e·s travailleur·euse·s qui décident, à un moment donné, d’être membres du Parti. Toutes celles et ceux qui décident de participer à une action politique, même limitée à un sujet particulier, doivent pouvoir, adhérent·e ou pas, participer aux choix relatifs à l’action menée. Cela signifie que les collectifs de base doivent être en permanence ouverts aux citoyen·ne·s qui veulent agir avec les communistes, et qu’elles et ils doivent pouvoir participer à tous les choix liés à leur action.
Notes de bas de pages
(1) Léon Deffontaines dans l’interview paru dans l’édition du 30 août de l’hebdomadaire communiste des Pyrénées-orientales déclarant : « Je sors justement d’un atelier sur les bilans des élections du Parti. Et là où tout le monde s’attendait à ce qu’on fasse un bilan sur tel discours qui n’a pas été, le bilan a en grande partie porté sur les défaillances en termes d’organisation ».
Au CN d’octobre il est écrit : « Le 39ème congrès du PCF a posé des ambitions importantes pour notre Parti. Pour pouvoir porter ces objectifs ambitieux, le Parti communiste doit être renforcé. Adhésions, formation, promotion des cadres, qualité des analyses et du niveau du débat au sein de nos instances… la poursuite du redéploiement du PCF a été entamée ».
La contribution du comité exécutif national à l’animation du débat affirme sans nuances : « nous sommes
convaincus que l’orientation que nous avons adoptée en congrès est plus que jamais d’actualité ». publiée dans la lettre d’animation de la conférence nationale
Dans un rapport au CN du 13 juillet après les élections il est aussi écrit : « Les diverses échéances électorales récentes ont permis au Parti communiste français de réémerger sur la scène médiatique. Aujourd’hui, de plus en plus de nos concitoyens considèrent le PCF comme une force structurante de la vie politique française, la cote de popularité de notre secrétaire national, Fabien Roussel, en est l’illustration ».
(2) L’affirmation du souverainisme, du productivisme conduisant Deffontaines a dire qu’il n’aurait pa voté l’interdiction du glyphosate, sur la Palestine qui nous a valu les critiques de la présidente de l’AFPS Anne Tuaillon, sur l’immigration où nous abandonnons nos principes concernant tous les sans papiers par exemple. La laïcité comme la défense de la loi réactionnaire de 2004 ou contre l’abaya.
Les associations de défense des palestiniens sont interloquées par une double conditions posées par le PCF comprenant notamment que la solution à deux Etats soit définie comme seule solution politique au conflité. Interrogée par Médiapart (avril 2024), Anne Tuaillon, présidente de l’Association France Palestine solidarité (AFPS),longtemps proche du PCF, souligne « Alors qu’il y a un génocide en cours, le PCF fait de cette seule solution une condition pour signer les appels communs. On a du mal à le comprendre, l’essentiel étant de marquer notre solidarité avec les Palestiniens. »
(3) Julia Castanier, Membre du Conseil national et de la commission féministe du PCF, Directrice de la communication du Par écrit ainsi dans une tribune dans l’Humanité publiée le le 7 avril 2023 :
« Face à l’influence de la pensée intersectionnelle sur le mouvement féministe, il nous faut structurer une approche matérialiste et universelle. Bien qu’elle ait le mérite de penser l’ensemble des dominations, l’intersectionnalité est aujourd’hui un obstacle. Elle place le mouvement féministe dans l’impasse de la marginalisation par la division du camp des opprimé·e·s, la fixation d’identités rigides et la gradation de la légitimité de celles et ceux qui portent ces luttes ».
Roussel interview magazine « Elle » février 2022 a déclaré :« Le courant intersectionnel divise les femmes »