Sur quatre questions

Contribution d’Olivier Gebuhrer

Introduction :

Dans ce qui suit je ne m’étendrais pas sur mon opinion relative à la Direction actuelle du PCF : je garde ce développement éventuel pour la contribution déposée sur le site du PCF en vue de la Conférence Nationale ou ce qui en tient lieu. Je me borne à souligner qu’en aucun cas le questionnement prétendu auquel les communistes sont conviés n’aborde même à la marge mes questions essentielles qui nous sont posées selon moi.

J’aborde , sans avoir l’outrecuidance de les traiter, 4 aspects :

  1. A quel capitalisme faisons-nous face aujourd’hui ?
  2. Comment envisager la transition vers une société qui s’extrait du capitalisme
  3. La dynamisation du mouvement populaire
  4. La Guerre

1) Depuis la grande période de production théorique et politique débouchant sur le « capitalisme monopoliste d’État » , sa crise et quelques aspects anthropologiques traités par Paul Boccara , il ne semble pas que notre pensée collective ait le moins du monde progressé à la mesure redoutable des changements drastiques que le capital mondialisé d’aujourd’hui illustre .

Est notamment frappante la dépendance croissante de toute l’activité humaine du système bancaire , financier et assurantiel  qui semble s’ériger hors de toute maîtrise humaine .La plupart des « biens de consommation courante » dépendent en fait du crédit bancaire .  Par exemple la location d’un logement sans CDI , impossible hier est dirigée aujourd’hui vers un organisme de crédit , organisme qui se substitue aux banques avec des taux prohibitifs .Etc…. Un descriptif n’est pas une analyse .

Cette évolution du capitalisme ne fait pas que produire des contraintes extraordinaires sur le corps social , elle se double de mainmise sur les médias dans le cadre d’une guerre idéologique à l’intensité jamais vue  et chaque jour le pouvoir politique qui peu ou prou sert le capital ne trouve que de nouvelles formes de coercition : en fait , à la différence d’autres époques , le capital n’a plus rien en magasin pour se présenter certes comme un système inégalitaire mais somme toute « meilleur que tous les autres » .C’est particulièrement vrai de notre pays qui demeure semble t’il à la fois le maillon faible du système et le pays où les luttes de classe se mènent de façon plus aigüe qu’ailleurs , jusqu’à la décision complète .Cette idée importante ne dit pas vers quelle direction penche la décision .

La contradiction majeure qui saute aux yeux est en effet que devant des méthodes et des outils de domination infiniment plus sophistiqués qu’auparavant , et malgré la pollution par les idées d’extrême droite , le socle d’idées de gauche reste puissamment majoritaire .Cela ne crée pas pour autant une situation prérévolutionnaire mais donne la possibilité d’une très large victoire de gauche .

La situation est mieux résumée via cette phrase entendue d’un adhérent de la CGT , postier , lots d’une récente fête populaire du PCF dans le bassin cannois : « On ne peut pas gagner :ils sont trop forts «  .Cette idée , me semble t’il  au cœur de la pensée politique de millions de nos compatriotes me semble plus importante que n’importe quel discours , aussi pertinent soit-il sur l’influence du RN dans les milieux populaires : ne pas analyser ce à quoi nous faisons face ou croire s’en tirer avec les idées d’hier ne peut que conduire à des régressions de plus en plus terribles aux manifestations cataclysmiques .Je ne développe pas mais sans un effort collectif puissant sur ce terrain , tout ce que nous pourrions dire sera inopérant .

Jean Ferrat se désolait d’un choix impossible entre la jungle et le zoo .Le capitalisme d’aujourd’hui a inventé la jungle ET le zoo .

Est-il besoin à ce stade d’ajouter en 3 D un survol de l’état dans lequel le capitalisme laisse la planète et l’humanité ? Jamais auparavant les dimensions de sa crise ne se sont à ce point entremêlées et mutuellement renforcées. Une telle situation qui devrait faire pour nous l’objet d’une attention constante et une analyse adéquate laquelle semble devoir être ignorée des instances dirigeantes du PCF et n’est même pas abordée à la marge dans le questionnement proposé aux militantes(s) provoque à n’en pas douter dans de nombreuses régions du monde des interrogations abyssales quant au futur humain sans qu’on puisse imaginer que des solutions même partielles puissent germer spontanément .Cela renvoie au sujet suivant .

2) Penser la transition

Des discussions ont lieu entre nous sur la question du communisme mais il ne semble pas que beaucoup d’attention ait été portée à la période historique de transition vers une humanité qui s’extrairait du capitalisme  . Aucun esprit de bon sens ne peut plus concevoir ce mouvement indispensable comme pouvant être l’œuvre d’un seul pays, comme on a pu le penser au siècle précédent. La question de la transition est d’ailleurs au cœur du questionnement mentionné au sujet précédent .

Aucune initiative visant réellement à s’en prendre à LA logique su capital ne peut s’imaginer hors d’une bataille politique , d’une lutte de classe intense qui devra embrasser des dimensions internationales , voire mondiales . Je ne crois pas à ce stade le PCF préparé à cette perspective .Cela peut changer mais si cela reste en l’état , nous serons considérés comme essentiellement inutiles .

Dans sa dernière Lettre , P Le Hyaric explore de nombreuses pistes possibles à partir de la question du Mercosur .

On ne tentera pas ici de dire moins bien ce qu’il développe . Cependant , il sera aussi nécessaire , non suffisant mais nécessaire de s’attaquer aux mécanismes engendrés et par les Traités européens , et par le statut de la BCE , et à s’en prendre aux exigences décrites comme indépassables et incontournables de ce qu’on appelle de façon volontairement  mystérieuse » les marchés financiers » .Dénoncer est indispensable mais complétement insuffisant .   En tout domaine , il est indispensable d’échafauder les processus de coopérations totalement inédites , ce qui entre autres permettrait de commencer à  s’émanciper des dogmes du FMI et de la Banque Mondiale qui ont contribué de façon spectaculaire à l’exacerbation des questions vitales des pays sous leur »tutelle » .   On commencerait alors à ne plus trouver infranchissable le « ils sont trop puissants » . Cela nous conduit au sujet suivant .

3) La dynamisation du mouvement populaire

Lors d’une intervention dans une fête populaire du PCF, Ian Brossat présenta « la perte ou la diminution drastique de la conscience de classe » comme explication fondamentale de la faiblesse de la gauche …. Pour ce qui me concerne , cette « explication » ressemble davantage à la théorie du phlogistique  qu’à quoi que » ce soit d’autre .

D’une part si on tient compte du score répétitif obtenu par ce qui a été appelé ci-dessus « le socle des idées de gauche » dans notre pays lequel bien sur n’existe pas à l’état chimiquement pur , nous sommes ) un étiage potentiel de 60% au minimum ce qui devrait représenter l’ambition de la gauche .D’autre part et avant tout , ce qui a été mentionné ci dessus nous semble être le fait fondamental : le capitalisme d’aujourd’hui , où que ce soit n’a plus rien en magasin qui puisse se présenter comme attractif pour la très grande majorité de l’humanité et dans notre pays cela vise de l’ordre de 80%. Ce chiffre comporte sans doute une très grande variété de situations sociales mais le courant dominant dû à l’emprise bancaire , financière et assurantiel est indiscutablement celui-là , indépendamment même du métissage social , caractéristique elle aussi nouvelle , qui exclut de chercher à « retrouver » une conscience de classe qui n’a jamais existé telle qu’on a pu se la représenter . Qu’il existe par ailleurs une classe de possédants et leurs supports ,   attachée de façon déterminée au maintien quoi qu’il en coûte au maintien des rapports sociaux capitalistes est une évidence mais cette classe , elle aussi s’est transformée et ne correspond nullement aux « cent familles ». Elle est beaucoup plus nombreuse , militante , aguerrie , et d’une détermination absolue .

S’agissant du problème fondamental qui nous est posé , savoir la dynamisation du mouvement populaire , il n’est pas inutile de convoquer une idée centrale produite à l’époque de G Marchais , à savoir que la « démocratie , la question démocratique est devenue une dimension essentielle de la lutte de classes « .D’autre part , l’un des aspects fondamentaux du capitalisme ,à savoir la scission institutionnelle entre décideurs et exécutants s’est renforcée comme jamais. Si on partage ce point de vue , rien ne devrait nous écarter si peu que ce soit de l’idée énoncée aussi depuis des années dans les textes du PCF , à savoir , rendre nos compatriotes coacteurs et codécideurs  des choix politiques .

Sur ce plan il est évident que notre pense politique a profondément régressé .

La constitution du NFP , dans des circonstances singulières, qui n’en font pas une construction populaire pourrait devenir un vecteur puissant pour répondre au défi démocratique   à condition que le PCF en traite sérieusement. La question n’est pas celle d’une »organisation » nouvelle mais de la création de lieux pluralistes de débats POLITIQUES et de décisions à vocation majoritaire . Il est pensable de réunir en de très nombreux territoires des millions de nos compatriotes en les initiant et  en les aidant à formuler les exigences les plus aptes à satisfaire leurs besoins  les plus variés .Que le PCF puisse apporter à ces lieux ses propositions n’est mis en cause par personne ; le problème consiste à ne pas imaginer qu’elle sont les seules ni même les meilleures .Le débat serein est une condition indispensable pour fertiliser réellement l’expression populaire . Les manifestations de masse , les affichages etc…. restent utiles mais doivent céder le pas en importance vis à vis de l’appropriation collective : c’est une démarche politique qui en fait n’a jamais été tentée de façon approfondie . La constitution partout de tels lieux , – disons pour aller vite – comités du NFP – sans qu’il soit question d’adhésion, nantis de règles de fonctionnement simples et facilitatrices du débat respectueux semble devoir à ce stade une condition indispensable . Les tentatives tortueuses de l’éviter voire de « rassembler » AUTOUR des « propositions du PCF » ne sont pas seulement vouées à l’échec mais sont totalement nuisibles à la réalisation de l’objectif supposé .

On doit cependant évoquer ici une question qui est dans toutes les têtes et à laquelle la réponse n’est pas évidente sauf à être dans le déni .

La FI pose un problème inédit : ce mouvement disparate rassemble des forces authentiquement de gauche et d’autres qui lui sont étrangères .Son orientation actuelle est un danger pour la gauche par son caractère souvent provocateur , à volonté hégémonique , à géométrie politique variable et très majoritairement imbu d’une obsession anti PCF .Nul ne peut dire si cette force politique est destinée à occuper un espace politique de longue durée . Il semble à ce stade impossible de penser « faire sans » . D’un autre côté si les militantes et militants ( y compris élu(es) et candidats(es)) du PCF étaient plus assurés à la fois de leur démarche et de la pertinence de leurs propositions , le risque posé par le comportement de FI à la gauche , serait minimisé .En d’autres termes , seul le PCF a la responsabilité de faire murir l’essence du NFP et celle de « tenir la gauche debout ». Il n’existe pas d’autre force politique dont ce soit l’espace naturel et aucune autre ne saurait en avoir la volonté .Il n’existe à mon sens aucune autre stratégie possible si on vise réellement à changer le cours des choses .Aucune stratégie ne garantit la victoire politique mais il en existe qui mènent à coup sur dans le mur .

Il va sans dire que dans cette recherche de dynamisation POLITIQUE populaire , la contribution effective et non formelle des intellectuels de toutes disciplines , du monde de l’art et de la culture est cardinale .Cette dimension est hélas quasi absente de l’horizon actuel du PCF .Je souscris par ailleurs aux axes récents  de contribution de la Commission Culture du PCF .

Ces questions ne sont abordées à aucun moment même à la marge dans les documents préparatoires comme si la direction nationale du PCF se mouvait dans un univers différent du monde réel .

4) LA GUERRE

La Guerre a envahi notre espace de pensée . Il y a aujourd’hui dans notre pays et sans doute dans divers endroits du monde un PARTI de la Guerre .Il se déverse sur tous les canaux de télévision , accessoirement fournissant une occasion sans précédent pour imposer aux peuples et le nôtre en particulier des mesures d’austérité sans précédent .

Le parti de la Guerre dans notre pays est à bien des égards plus dangereux que le RN ;il s’exprime constamment , sans limitation .Il se sert des thématiques du RN dans la banalisation de la notion de rapport de force dans le règlement des conflits politiques , il n’hésite pas à convoquer régulièrement ses principales figures et l’inspiration de ce qu’il répand se couvre de principes qui pervertissent complétement les idées progressistes : le pacifisme , c’est la lâcheté ; la guerre est celle de l’OCCIDENT DEMOCRATIQUE contre la BARBARIE .Chemin faisant , la réécriture de l’Histoire atteint des sommets himalayens .   

Je n’évoquerais ici que la Guerre russo ukrainienne car l’autre conflit majeur , celui du Proche Orient est traité par d’autres et d’autre part il ne me semble pas que SUR cet aspect , les positions du PCF soient critiquables .

On est toutefois loin du compte .Les projections du budget des Armées indiquent des augmentations monumentales ; tous les jours nos compatriotes sont exhortés à comprendre le prix de notre liberté et à l’accepter  .Il n’est pas question de défendre de quelque façon une rhétorique inaudible, celle de la Russie mais qu’en est il de celle du gouvernement ukrainien ? Y a-t-il dans ses expressions quoi que ce soit qui soit proche de valeurs progressistes ?

Le droit d’un État souverain à se défendre a bon dos , au Proche Orient comme en Ukraine laquelle d’ailleurs défend la politique israélienne dans des termes indécents et inacceptables : devant la Knesset on se souvient du » Nous autres Ukrainiens avons défendu les Juifs » Avec 1800000 juifs assassinés par balles en Ukraine entre 1941 et 1942 , ce n’est pas mal …. Récemment une égérie ukrainienne pouvait dire sur une chaine de télévision : « Au moins Hitler avait une vision de l’Allemagne » …….. On se souviendra que le drapeau actuel de l’Ukraine est celui de Bandera dont les forces armées furent utilisées à satiété par les nazis pendant la Guerre et ensuite par R Gehlen entretenant crimes et massacres à prétention indépendantiste dans l’ex URSS …..Comment le PCF a-t-il pu ignorer ces données ? Sans doute la Russie a violé la Charte de l’ONU et conduit une guerre d’agression et de conquête territoriale .mais cela ne saurait résumer la situation .Le Droit d’un État souverain à se défendre contre toute agression passe par une politique qui conduit à NE PAS AVOIR à se défendre .

Au principe supposé invariable « Si vis pacem, para bellum » , il est grand temps de substituer «  Si tu veux la Paix prépares la PAIX » .La politique étrangère française  selon un ex Ambassadeur est aujourd’hui » Déboussolée » .Il est vital de contribuer à changer cette situation .Il n’y a pas que la voix russe qui est devenue inaudible , la nôtre l’est devenue .

Changer radicalement d’orientation ne signifie en aucun cas prendre position pour l’agresseur et au passage un tel changement doit permettre de démasquer le positionnement du RN pour lequel c’est le droit du plus fort qui l’emporte en toutes circonstances : Agir pour le retour aux négociations sous l’égide de l’ONU et de l’OSCE est la seule voie originale et fidéle à l’histoire d’une voix française indépendante ; comme a pu l’écrire F Wurtz , quand on discute les armes se taisent . Combien de morts , d’invalides et de destructions faudra t-il encore ?

Des négociations de 15 ans si nécessaire valent mieux qu’un seul mort inutile !

D’ailleurs , il ne s’agit pas d’une expression de bisounours : toutes les lignes ont été franchies dans l’engagement meurtrier le plus sauvage et aujourd’hui on en est à envisager réellement une guerre directe contre la Russie c’est-à-dire un conflit réellement mondial avec la menace du nucléaire sur la tête de l’Humanité .Rien n’excuse ni ne justifie à cet égard le positionnement du PCF .

L’engrenage peut et doit être arrêté .C’est un grand objectif rassembleur dont le PCF doit prendre l’initiative sur la durée.

Parmi toutes les questions angoissantes escamotées par les documents soumis au corps militant du PCF , la question de la Guerre et de la Paix devrait constituer une question majeure surplombant toutes les autres .

 

A ce point , on comprendra que je ne développe pas la question majeure du communisme .Ce n’est pas parce que les idées à cet égard me font défaut mais ce serait allonger une tentative de contribution de façon déraisonnable .

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *