Un SMIC pour toutes et tous, dès 18 ans

Contribution de Pierre Deransart – Section PCF Cachan (Val de Marne)

De nombreux syndicats de retraités, dont la CGT, FO, Solidaire et la FSU revendiquent avec d’autres qu’il n’y ait plus de pension en dessous du SMIC. Mais pourquoi chacune et chacun ne pourrait-il avoir droit à un tel SMIC dès l’âge de 18 ans, comme reconnaissance de sa capacité à être pleinement citoyen ? N’y aurait-il pas là une voie forte pour faire bouger les lignes au sein de la lutte de classe ? Et c’est bien la question que nous nous posons dans ce débat : que pourrait-on faire pour que le PCF soit utile et force révolutionnaire à la hauteur des défis du siècle ? Comment en effet faire grandir l’influence communiste et sortir de notre image sociale-démocrate, sinon en inscrivant dans notre programme des mesures susceptibles de concerner une majorité et en même temps de porter des coups significatifs à l’économie ultra libérale ?

Comment convaincre que le PCF est bien le parti qui lutte avec la classe des travailleurs, des salariés comme des pensionnés, la classe des surexploités, des invisibilisés, des derniers de cordée comme de toutes celles et ceux qui veulent un travail qui puisse donner du sens à leur vie ?

Comment donner des moyens à toutes celles et ceux des quartiers pour qu’ils puissent gagner en moyens et en sécurité pour maîtriser leur avenir ?

Autant de questions face auxquelles il serait urgent d’apporter des propositions précises et crédibles. Notre section a déjà eu l’occasion de proposer lors de notre congrès fédéral en 2023 d’étudier sérieusement une voie vers un communisme liée aux idées du salaire à vie telles que développées par Bernard Friot. Nous proposons de réfléchir à une étape vraisemblable sinon facile à mettre en œuvre : un premier niveau de salaire à vie au niveau d’un SMIC pour tous.

Compte-tenu de la situation de crise économique dans laquelle notre société est engagée, proposons d’instaurer sans attendre un salaire unique pour toutes et tous, dès l’âge de 18 ans, d’un montant au moins égal à un SMIC revalorisé, garanti jusqu’à la fin de la vie. Nous l’appellerons un premier niveau de salaire à vie ou plus simplement un SMIC à vie.

Notre objectif doit être de construire ensemble une société plus résiliente face aux défis des crises sanitaires, climatiques, économiques et sociales amplifiées par le capitalisme mondialisé. On ne résoudra pas tout d’un coup, mais il y a là déjà une possible réforme de grande ampleur qui, en touchant au cœur du capitalisme, serait aussi une manière de reconstruire une espérance réelle pour toutes et tous.

Voici une description succincte d’un projet possible, que je livre à la discussion.

En effet, rien que de l’imaginer, cela donne des idées et ouvre le champ des possibles…

Un SMIC à vie, ou Premier Niveau de Salaire à Vie (PNSaV)

Face aux aléas de la conjoncture économique, sanitaire, et climatique, nous pouvons sécuriser un premier niveau de salaire, à hauteur du SMIC, d’au moins 1500 euros nets (valeur indicative), dès la majorité. Nous l’appellerons un premier niveau de salaire à vie car il ne s’agit pas ici de revendiquer l’égalité des salaires. Celui-ci sera versé par une caisse des salaires indépendante. Tout en éradiquant la misère sociale, nous reconnaitrons ainsi la participation et la responsabilité de tous au fonctionnement de la société.

Mise en œuvre et financement

Sans doute vous dites-vous, « mais comment est-ce possible ? Tout cela coûtera bien trop cher ! ». Eh bien rassurons-nous, c’est tout à fait possible, même dans les conditions actuelles de notre économie. Sans vouloir rentrer ici dans les détails disons qu’heureusement une majorité des plus de 18 ans perçoit déjà un salaire ou une pension supérieurs au SMIC.

En effet les ressources nécessaires de la caisse des salaires (la part salariale concernée du PIB est de l’ordre de 900 milliards d’euros) proviendront essentiellement de :

  • cotisation de 1500€ mensuel prise sur tout salaire supérieur à ce seuil, en sus des cotisations existantes (opération « blanche » puisque ce montant sera réattribué au salarié),
  • il en est de même pour les caisses de retraites pour les pensions supérieures à 1500€. Ce qui correspond au minimum vieillesse est alors intégralement versé à la Caisse.
  • On procédera de même pour les indemnités chômage.
  • Un certain nombre d’aides sociales (minima sociaux) disparaissent lorsque leur cumul pour une même personne est inférieur à 1500 €.
  • D’autres ressources seront nécessaires parmi celles suggérées précédemment, estimées à un montant de l’ordre de 140 milliards d’euros. On pourrait envisager essentiellement : le rétablissement de l’impôt sur la fortune avec progressivité renforcée, une possible augmentation des cotisations patronales et/ou des cotisations spécifiques pour les très hauts salaires.

Afin d’assurer que chacun perçoive bien ce salaire, celui-ci est versé directement aux intéressés par la caisse des salaires. Il est versé à chaque adulte dès sa majorité et jusqu’à sa mort, inconditionnellement.

En pratique

Comme tout le monde, je perçois le PNSaV quel que soit mon niveau de salaire en emploi dans une entreprise, une administration ou organisme publique, ou en tant qu’indépendant. Je peux aussi décider de lancer ma propre activité. Ce PNSaV constitue alors un salaire de départ le temps d’atteindre le seuil de rentabilité. À la création d’un collectif de travail, chaque salarié peut apporter son PNSaV comme « capital » de départ, ce qui constitue un encouragement pour se constituer en tant que coopérative de production, favoriser la démocratie sociale, et maîtriser mon travail.

Voici quelques exemples destinés à clarifier le fonctionnement du PNSaV. Certains aspects liés aux cotisations sociales ne sont pas détaillés ici.

Samira est salariée à 2 000 € nets dans une entreprise. Son employeur cotise à la caisse des salaires à hauteur du PNSaV et lui verse directement le complément de son salaire. Samira reçoit directement de la Caisse 1500 € et 500 € de son employeur. Celui-ci paie en outre toutes les cotisations associées à un salaire net de 2000 €.

Thomas est étudiant majeur. La caisse des salaires lui verse le PNSaV, soit 1500 €.

Hermione est auto entrepreneuse et vient de se lancer dans une activité qu’elle pense pouvoir être lucrative. Elle reçoit déjà ses 1500 € nets et dès que son activité le permettra elle versera les cotisations salariales liées à son niveau de rémunération, tout en continuant de percevoir son PNSaV.

Youcef est retraité à 2 300 €. Youcef perçoit le PNSaV et sa caisse de retraite lui verse le complément de sa retraite une fois prises en compte les cotisations dues.

Quel que soit mon parcours professionnel, avec ou sans emploi, je touche au moins 1500 € nets mensuels.

Droits et devoirs associés au PNSaV

Le PNSaV est la reconnaissance à chacun de son statut de producteur, indépendamment de l’activité exercée, hors ou dans l’emploi. C’est un salaire attaché inconditionnellement à la personne qui reconnait sa capacité à être actif dans la société. Attribué à tout majeur, il est un droit au salaire mais il implique aussi des devoirs.

Il ne s’agit pas ici de proposer que tout le monde soit obligé de travailler du fait de recevoir un salaire. Absolument pas. Au contraire, le fait d’avoir un salaire, bien supérieur au niveau de survie et garanti à vie, facilitera l’alternance de coupures éventuelles dédiées au repos, à la formation ou de nouveaux choix de carrière. Pour les jeunes, ils seront encouragés à se former au meilleur niveau ou à créer de nouvelles entreprises dans de nouvelles conditions. Nous sommes convaincus que les garanties de vie apportées par un tel salaire seront une source de créativité et d’implication de la jeunesse dans la construction d’une société plus résiliente face aux difficultés présentes et prévisibles.

Comme le statut de citoyen qui assure des droits mais impose certains devoirs (respect de la loi, défense du pays, participation à la vie politique, …), le PNSaV impose aussi certains devoirs (formation, participation à la production de services et de biens, …). Comme pour le citoyen, droit et devoirs sont encadrés par la Constitution et la Loi. Il y aura donc lieu de légiférer de manière à favoriser la création d’entreprises citoyennes qui permettront enfin de répondre aux véritables besoins d’une société en pleine évolution et confrontée à de multiples défis (climatiques, sociaux, relations internationales, …). Par ailleurs le droit la procrastination sera protégé par la loi, mais on peut augurer que certaines tâches vitales pour la vie sociale en ville ou à la campagne feront un appel pressant aux nouveaux producteurs.

Conclusions

Le PNSaV est, comme son nom l’indique, un « premier niveau » de salaire à vie, sous-entendu qu’il pourrait y avoir d’autres niveaux (SaV), ceci dans une société où le salaire à la personne aurait été généralisé. Son intérêt est qu’il peut être mis en place dans le cadre de la société actuelle avec les réformes immédiates et crédibles. Même s’il contribue à saper les fondements du capitalisme, il n’impose pas a priori de sortir du capitalisme ni ne contredit d’autres réformes possibles comme une remise en état de la Sécu, une sécurité sociale de l’alimentation ou un niveau de retraite avec salaire continué. Le PNSaV constitue une base exceptionnelle pour éradiquer la pauvreté et créer une solidarité entre tous les nouveaux et anciens salariés. Il favorise la création d’activités nouvelles et la suppression des emplois les plus nuisibles. Situé nettement au-dessus du seuil de pauvreté, il constituerait une avancée majeure face aux innombrables problèmes sociaux actuels (pauvreté, mobilité, activités nouvelles, mise en communs de ressources…). Il peut être un point de départ, un premier support, pour une émancipation bien plus large de l’ensemble des travailleurs, avec ou sans emploi, tous alors salariés !

Actuellement il n’y a pas de salaire sans emploi, demain un salaire garanti permettra le travail de tous. C’est une nouvelle perspective qui s’ouvrirait alors, dans laquelle toute la population française pourrait se trouver en meilleure sécurité face aux crises diverses en cours ou qui ne manqueront pas d’arriver. Cela pourrait constituer une base solide pour créer de nouvelles activités. Un PNSaV pour toutes et tous serait aussi une manière de rendre toute la société solidaire. C’est techniquement possible. Reste à en convaincre toute la société laborieuse, en commençant par nous-mêmes.

Ceci ne serait-il pas un beau sujet de débat pour un parti communiste qui se doit de porter des projets résolument tournés vers une sortie du capitalisme !

 

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