Voici pourquoi je signe le projet alternatif de base commune

Je rejette en sa totalité le projet de base commune adopté le 5 décembre par la majorité du Conseil national du PCF. Je ne reviens pas sur mes arguments que j’ai formulés dans deux contributions publiées sur le site dévolu à la préparation du 39e congrès (https://congres2023.pcf.fr). Depuis un texte alternatif a été produit : « Urgence de Communisme, Ensemble pour des victoires populaires » (https://urgencedecommunisme.fr). J’en approuve l’orientation.

L’INTERROGATION QUI S’IMPOSE EMBLÉE

Cette interrogation est :« Le capitalisme en crise générera-t-il de nouvelles fractures et de nouvelles souffrances, de nou­veaux monstres, de nouvelles guerres… La crise débouchera-t-elle sur la violence plus dure encore des politiques réactionnaires, sur une victoire de l’extrême-droite ? » Et pour la France : « La possibilité de voir l’extrême droite gagner le pouvoir en France est devenu un scénario tangible »

Pour déjouer ce scénario, le texte affirme que la seule réponse est :

« une voie de gauche radicalement nouvelle, rendue possible par des rassemblements populaires transformateurs et une union populaire de gauche capable d’assumer le pouvoir ; » C’est cette alternative qui fait du « rassemblement, une question incontournable ». « C’est pourquoi la construction d’une alternative de gauche s’appuyant sur une majorité populaire et un programme de transformation sociale partagé est indispensable. »

Dans cette perspective, la NUPES « est un premier point d’appui ». « Sa création en mai 2022 a été un signal d’espoir ». Elle « est d’ailleurs née sous la pression populaire qui exigeait cette réponse unitaire ». Elle « scelle l’alliance de l’ensemble des forces de gauche (EELV, LFI, PCF et PS) autour d’un programme de rupture. Pour la première fois depuis des décennies, les idées de transformation sociale sont au premier plan du débat politique, porté par un rassemblement à vocation majoritaire. » Le texte ne manque pas de préciser que la NUPES « repose sur un accord reconnaissant à chacun son autonomie politique et sur un programme partagé de 650 mesures, qui n’élude pas pour autant les points de divergence entre ces formations (33 en tout). »

POUR AUTANT, IL FAUT LUCIDITÉ GARDER

Aussi, je partage l’avis du texte considérant que :

« Il ne s’agit pas de minimiser les insuffisances, ni de gommer les débats et difficultés qu’ont ren­contré les communistes dans ce rassemblement, notamment dans leur rapport avec le PG puis la LFI. Des divergences de fond persistent et nous devrons avec le mouvement populaire les surmonter. »

« Aujourd’hui pourtant, la NUPES apparaît fragile, et tout reste à faire pour concrétiser l’espoir qu’elle a suscité, c’est-à-dire construire une majorité politique populaire apte à l’emporter et à gouverner. « Elle ne peut en rester à une action qui se réduise à soutenir ses élu·es : il est besoin de batailles militantes, nationales comme locales, il est besoin dans le respect de l’autonomie de chacun de travailler avec les acteurs sociaux et leurs organisations. »

« Aujourd’hui la question politique posée à la NUPES est de devenir le levier de construction d’une dynamique populaire majoritaire. Cela appelle à passer du cartel électoral et politique, à un rassemble­ment citoyen et populaire. Pour les communistes, la première des conditions pour y parvenir est de faire vivre un vrai pluralisme, condition d’une implication populaire et d’une effervescence d’idées nécessaire, entre formations et avec les citoyen·nes, et donc de respecter la liberté d’action de chacun, au Parlement et dans le pays, sans tomber dans l’hégémonie. » « Nous le savons par expérience, le respect mutuel est loin d’être acquis et les équilibres ne sont pas toujours faciles à trouver. Pourtant c’est ce à quoi nous devons travailler à tous les niveaux, pour entretenir l’espoir et être à la hauteur des responsabilités historiques de la gauche. »

FOCUS SUR QUELQUES RÉFLEXIONS COMPLÉMENTAIRES

Figurent dans ce texte plusieurs réflexions qui rejoignent les miennes. J’en ai traité dans des articles publiés dans mon blog Mediapart. Je les énumère en reproduisant les passages du texte s’y rapportant :

1- « Des engagements divers et massifs envahissent le champ de la politique hors des formes traditionnelles ou institutionnelles. Notre responsabilité de communistes est de porter ces urgences, d’être à l’écoute de ce qui bouillonne et émerge de neuf dans la société, d’investir ces mouvements, de contribuer à les rendre plus forts, jusqu’à remporter des victoires, en aidant à identifier les blocages du système à la racine et les solutions pour les dépasser. »

2- « Des luttes nouvelles se mènent contre le racisme dans les quartiers, contre l’indignité imposée aux migrant·es, en écho aux luttes des peuples qui ne supportent plus les tutelles néocoloniales. »

3 – « Dans les faits, au-delà même des crimes staliniens, le “socialisme” s’est iden­tifié au régime dévoyé, étatiste et non démocratique de l’URSS. Ce régime a échoué et s’est effondré dans les années 80, avec la chute du Mur de Berlin. Ce n’était pas du communisme. »

4- « Cet échec de la première tentative d’alternative au capitalisme a ruiné la crédibilité de ce projet socialiste et, plus largement, hypothéqué pour longtemps tout projet de dépassement du capitalisme. C’est bien autour de cette époque que s’est accéléré le déclin continu de nos forces, entamé en France avec la rupture du programme commun de gouvernement. »

5- « Dans de nombreuses conquêtes comme la Sécurité sociale, et dans des luttes actuelles pour les biens communs, nos adversaires, en particulier du grand patronat, voient déjà du communisme à combattre pour ne pas laisser prospérer ces formes nouvelles d’organisation sociale. »

6- Car si le communisme est bien « le mouvement réel qui abolit l’état actuel des choses », il nous faut articuler notre alternative au capitalisme aux combats pour des ruptures concrètes avec les logiques actuelles et des améliorations immédiates des conditions de vie et de travail des classes populaires. »

7- « Un développement inédit de l’économie sociale et solidaire. Favorisant des modèles coopératifs plutôt que concurrentiels, ce secteur doit bénéficier d’un soutien massif. »

8- « Nous avons eu tendance à prioriser les luttes sociales, voire à minorer certains combats en les renvoyant aux aspirations de couches sociales relativement favorisées des centres villes, ou à les mettre en opposition aux luttes des catégories populaires des banlieues ou des périphéries. Nous devons corriger cette erreur. »

9-La société de consommation pour la consommation, fille du capitalisme, doit donc céder la place à une société du bon travail et du temps libéré pour les activités hors travail : formation qui doit devenir un droit garanti, activités domestiques, éducatives, culturelles, citoyennes, solidaires, sportives, etc.

10- La concentration hystérique d’attaques grossières contre le mot “intersectionnalité” – issu du langage universitaire pour qualifier le fait que toutes les dominations s’épaulent les unes les autres dans un système de domination, et que doivent donc s’épauler pareillement toutes les luttes contre les diverses domi­nations – est la preuve de la panique qui s’empare aujourd’hui du système lui-même.

11-La solidarité entre toutes les victimes de dominations est en effet susceptible non seulement de créer une dynamique incontrôlable par le système de dominations, mais aussi de déstabiliser les pouvoirs politiques dominants. .

12- Les discours sur les dangers de l’immigration sont des mensonges. Tous les chiffres des organismes spécialisés confirment que l’immigration est faible en Europe comme en France, et qu’elle ne menace ni notre économie ni nos systèmes de protection sociale. Elle y apporte au contraire une contribution significative. Notre culture s’est, depuis des temps immémoriaux, enrichie des apports des migrations successives sans lesquels la France ne pourrait s’enorgueillir d’un si grand rayonnement culturel.

13- Le monde découvre que les insécurités humaines – économiques, sociales, environnementales, migratoires, alimentaires, énergétiques… – dépassent tous les périls classiques. L’insécurité ali­mentaire fait 10 millions de morts par an. L’insécurité climatique tue 8 millions de personnes par an tandis que l’OMS avoue son incapacité à chiffrer les dégâts de l’insécurité sanitaire.

14- Et que dire de l’insécurité des migrant·es victimes des déséquilibres mondiaux et des conflits. Les migra­tions ont acquis une dimension structurelle et durable que rien n’arrêtera. Il y a urgence à inventer des politiques plus humaines en insistant sur le caractère positif de ces phénomènes.

15- des mouvements sociaux d’une ampleur consi­dérable se développent dans le monde … Cependant, ils disposent rarement d’un projet politique progressiste ni d’ossatures organisation­nelles… Il n’en demeure pas moins qu’en dépit de débouchés politiques limités, ils ont créé une dynamique contes­tatrice nouvelle à laquelle nous devons être particulièrement attentifs.

Roger Hillel